lundi 4 mai 2015

Comment Elon Musk veut transformer deux industries (et le XXIe siècle)

L'investisseur avisé reste à l'écoute des changements et innovations susceptibles d'affecter l'ensemble de l'économie. Le monde évolue et des millions de foyers passent à de nouveaux modes de production et de consommation énergétiques.
Quelles conclusions en tirer pour développer son Patrimoine ? Est-ce une opportunité ? Quels sont les risques ?...
Eléments de réponse :

En février, Elon Musk prédisait que Tesla Motors allait réaliser ce qu'aucun constructeur automobile n'avait jamais fait, en atteignant une capitalisation boursière de 700 milliards de dollars en 2025. Pour mettre cela en perspective, Apple est devenue
la société la plus cotée de l'histoire lorsqu'elle a atteint une valeur de marché de 700 milliards en novembre 2014. Et si l'on se réfère à l'industrie automobile, cette somme peut être comparée à la valeur des cinq plus grands constructeurs mondiaux. Ensemble, Volkswagen, BMW, Ford, Toyota et Honda ne pèsent que 522 milliards. Elon Musk est-il devenu fou ? Ou a-t-il une stratégie secrète? Essayons de la décrypter.

Il y a bien une stratégie derrière les prédictions de Musk : changer le monde. Et il se pourrait bien qu’il ne soit pas si fou.
Revenons en 2010 et imaginez que vous discutez avec les patrons de Mercedes-Benz, BMW et Audi. Quel sera l’impact des technologies de rupture sur leur marché: les voitures électriques? Pas de menace. Le covoiturage? Cela restera marginal. Les voitures sans conducteur? Cela prendra des décennies.
Puis Tesla a lancé sa voiture électrique de luxe, le fameux modèle S, en 2012. Dès le premier trimestre 2013 les ventes dépassaient celles des voitures de luxe allemandes vendues aux États-Unis :
• Tesla Model S: 4 750 véhicules vendus
• Mercedes-Benz S Class: 3 077
• BMW 7 Series: 2 338
• Audi A8: 1 462
Cet été, Tesla fera sa première incursion sérieuse du côté des voitures sans conducteur. L’entreprise envisage de mettre à niveau son logiciel dans l’ensemble du parc de modèle S : toutes les Tesla, y compris celles vendues il y a deux ans, seront capables de se conduire presque toutes seules sur l’autoroute. Bientôt votre modèle S de 2013 vous conduira de la Silicon Valley à LA sans que vous ayez à toucher le volant, l’accélérateur ou la pédale de frein — sauf si vous décidez de quitter l’autoroute pour aller manger un morceau ou vous dégourdir les jambes.
Cette mise à niveau automatique est un coup marketing génial. Après cela, pourquoi voudriez-vous acheter une Mercedes en 2017 quand tout ce que vous posséderez sera une Mercedes 2017 ? Si vous achetez une Tesla 2017, elle sera améliorée avec de nouveaux logiciels quand de nouvelles fonctionnalités seront développées.
2017, justement, sera un nouveau tournant. C’est à ce moment que Tesla introduira son modèle de milieu de gamme, une voiture électrique d’environ 35 000 dollars – un prix comparable aux 30 026 dollars payés en moyenne pour une voiture neuve chez un concessionnaire américain. Beaucoup de gens seront en mesure de s’offrir une Tesla électrique au lieu d’une voiture à essence.
Le défi est énorme, certes. En 2014, Tesla n’a produit que 35 000 voitures quand Toyota et Volkswagen en vendaient chacun plus de 10 millions. On voit mal comment l’entreprise californienne pourrait rattraper ces géants et peser 700 milliards dans 10 ans. Il manque un élément dans cette histoire.

Or voici le chaînon manquant : Tesla va se lancer une activité de batteries capables de stocker l’électricité photovoltaïque, pour des usages domestiques et industriels. En 2017, les batteries seront produites dans une « méga-usine », en cours de construction et dans laquelle l’entreprise prévoit d’investir 5 milliards de dollars. Ce sera le premier producteur mondial de batteries lithium-ion.

Il faut donc agrandir le tableau pour comprendre la stratégie de Musk. Tesla ne sera pas un simple constructeur automobile, ni un équipementier, mais un fournisseur de services d’autonomie énergétique grand public. Avec les batteries de Tesla, votre système solaire produit de l’électricité pendant la journée et en stocke une partie qui alimente votre maison pendant la nuit, et votre voiture le lendemain.
Ce modèle est en ligne avec des projections qui prévoient que le rendement des cellules photoélectriques augmentera et avec lui la capacité de stockage des batteries.
Sur le plan du marketing, l’offre est très séduisante, avec la perspective de réduire, voire d’éliminer votre facture d’électricité et d’essence, et cela en une seule fois.
Le décryptage de cette stratégie n’est pas une vue de l’esprit : il suffit de connecter les points pour faire apparaître l’image. Musk est le président de  SolarCity,  le principal fournisseur d’installation de systèmes solaires résidentiels aux États-Unis. Les voitures et batteries Tesla font système avec les installations solaires et permettent de proposer une offre intégrée. L’ambition affichée est de couvrir les besoins d’énergie résidentielle et d’énergie relative aux transports, pour des millions de familles. Car la conversion à ce modèle peut être rapide et massive : que se passera-t-il quand les consommateurs se rendront compte qu’ils peuvent supprimer leurs factures d’électricité et d’essence en une seule étape, en recourant aux nouvelles technologie développées par Tesla – voiture, système d’énergie solaire et batteries ?
Deux tendances de fond pourraient accélérer ce mouvement. Tout d’abord, comme les fournisseurs d’électricité perdent des clients, ils pourraient parfaitement relever leurs tarifs pour couvrir des coûts fixes qui restent élevés. Deuxièmement, les capacité du solaire résidentiel augmenteront alors que ses coûts diminueront, dans une dynamique qui tient à la fois d’effets d’échelle et de progrès technologiques. Ces deux tendances constitueront de puissantes incitations pour passer à la maison solaire. C’est précisément ce qui s’est passé pour le prix et la puissance de votre ordinateur portable et de votre téléphone cellulaire depuis 1990.
Musk vendra des batteries lithium-ion, et la chute de leur coût en est une excellente illustration. Elles permettent aujourd’hui de stocker 11 fois plus d’énergie qu’il y a 15 ans pour le même prix. La tendance est facile à dessiner: Musk vend une batterie de 10 kWh pour 3500 dollars, soit 350 dollars par kWh. Si  la spirale desendante continue, en 2020 on pourra avoir 47 kWh pour 3500 dollars, assez pour une maison et une voiture électrique. En 2025 une batterie de 3500 dollars permettra de stocker 83,33 kWh, de quoi alimenter une maison de grand standing et deux véhicules électriques.
Le prix du photovoltaique connaît une évolution comparable, voire plus rapide encore. Alors qu’il a déjà chuté sensiblement, on s’attend aujourd’hui à ce qu’il baisse encore de 40% dans les deux prochaines années, atteignant la parité réseau dans 80% des marches mondiaux. Certaines projections voient dans le solaire la forme d’énergie la moins onéreuse en 2025.
La stratégie de Musk pour Tesla, telle qu’elle se dessine aujourd’hui, est donc centrée sur l’énergie. Son ambition est de percer à la fois, et de façon indissociable, dans l’énergie et les transports. Tesla n’aura pas besoin de construire des millions de stations de recharge, parce que les propriétaires de voitures se chargeront de le faire chez eux.
La vie TeslaUne « maison Tesla » comprendra un système d’énergie solaire qui couvrira les besoins de la maison et ceux de la voiture, ainsi que des voitures sans conducteur propulsées à l’électricité. Dans un récent sondage, 81% des personnes interrogées disent qu’elles souhaitent vivre dans une maison solaire. D’ici 2025 des millions de familles pourraient, avec Elon Musk, changer le monde.
À quoi ressemblera 2025 ? Le kit « maison solaire » pourra être proposé dans les rayons spécialisés des grandes surfaces d’électroménager : vous trouverez les systèmes prêts à monter, une offre de crédit, et une proposition de vous l’installer dans la semaine. Les offres iront d’un simple équipement pour votre maison à un pack « maison  + deux voitures », avec bornes de recharge.
Vous saurez que le XXIe siècle a commencé quand vous verrez ces offres apparaître dans les grandes surfaces, avec des campagnes de publicité qui vous vendront le rêve d’une énergie illimitée pour votre famille.
Si Musk réussit son pari, il aura une avance considérable : en attendant que la concurrence apparaisse, Tesla produira toujours plus de voitures et alimentera toujours plus de maisons et de commerces.
Rêvons un peu : nous entrerons ainsi de plain pied dans une culture de l’autoproduction d’électricité, qui à son tour pourra stimuler la fabrication 3D locale, l’auto-production alimentaire, l’auto-production d’eau potable, et une intense activité économique autour de ce nouveau régile de production.
Le 30 avril, les déclarations d’Elon Musk annoncent une disruption majeure, qui ne se cantonne pas à l’industrie automobile et au secteur de l’énergie. C’est l’ensemble de l’économie qui pourrait être affecté par le passage de millions de foyers à de nouveaux modes de production et de consommation énergétiques. Musk est un innovateur radical. Sa stratégie, en tant qu’entrepreneur, est de changer le monde. C’est cela, et pas autre chose, qui pourrait propulser sa société jusqu’à une capitalisation de 700 milliards de dollars.
Sources : Dan Abelow / Paristechreview / April 30th, 2015
Plus d'infos sur www.facebook.com/evolis

Aucun commentaire: